Épisode 5 : “Transmettre à mon fils sans perdre ma liberté financière”

Le journal de Mathilde : chronique d’une émancipation financière

L’épisode précédent a laissé Mathilde face à plusieurs pistes d’évolution pour son logement : travaux d’adaptation ou déménagement. Mais avant toute décision, Virginie Nacci lui a suggéré un nouvel angle de réflexion : celui de la transmission. Comment préparer l’avenir sans se priver dans le présent ?

“J’ai découvert que je ne détenais pas 100 % de mon appartement”

Lors de la succession de mon mari, j’ai recueilli l’usufruit de sa part du patrimoine, tandis que notre fils unique a reçu la nue-propriété. Je possède donc aujourd’hui :

  • ma propre moitié de l’appartement en pleine propriété (issue de notre régime matrimonial),

  • et l’usufruit sur l’autre moitié (celle de mon mari), dont la nue-propriété appartient déjà à mon fils.

C’est Maître Dujardin, le notaire qui s’était occupé de la succession, qui me l’a rappelé quand je l’ai appelé pour fixer un rendez-vous. Je ne l’avais rencontré qu’une seule fois, dans un moment difficile, mais j’ai tout de suite senti que je pouvais lui faire confiance.

Cette situation de démembrement de propriété — très fréquente dans les successions — a des conséquences concrètes sur la gestion et la transmission du bien.

“Donation, testament.. ou ne rien faire ?”

Le rendez-vous chez le notaire est rapide, simple, mais instructif. Maître Dujardin commence par me poser des questions :

« Souhaitez-vous transmettre un bien précis ? Avez-vous déjà envisagé un testament ? Une donation ? »

Je suis franche :

« Je n’ai rien anticipé. J’ai toujours pensé que ce serait plus tard. »

Il m’explique les trois grandes options qui s’offrent à moi :

  • Ne rien faire : dans ce cas, c’est la loi qui organise la transmission (en l’occurrence, tout reviendrait à mon fils).

  • Rédiger un testament : pour préciser certains souhaits (par exemple : transmettre des objets personnels, prévoir un legs à une association, etc.).

  • Faire une donation de mon vivant : pour organiser les choses dès maintenant, tout en bénéficiant d’abattements fiscaux intéressants.

Virginie, qui m’accompagne, me glisse à ce moment-là :

« Une donation en nue-propriété vous permettrait de conserver l’usage du logement à vie, tout en allégeant l’impôt à la succession. »

Maître Dujardin précise :

« Vous pouvez transmettre jusqu’à 100 000 € en nue-propriété à un enfant sans payer de droits, et cela tous les 15 ans. »

Puis il me donne un exemple chiffré, à partir de mon appartement estimé à 550 000 € :

« Vous avez 72 ans. D’un point de vue fiscal, la nue-propriété représente 70 % de la valeur du bien. Mais attention : seule votre moitié — soit 275 000 € — est détenue en pleine propriété. C’est donc uniquement sur cette partie que vous pouvez effectuer une donation complète.

Par exemple, vous pourriez donner à votre fils une part de nue-propriété correspondant à 100 000 €, soit environ 26 % de la valeur totale du bien. Vous conserveriez l’usufruit, et vous profiteriez de l’abattement. Dans 15 ans, vous pourriez envisager un nouveau don. »

Mais il ajoute aussi une mise en garde :

« Cette donation serait irréversible. Et pour vendre votre logement, ou même réaliser une opération comme une vente partielle, il vous faudrait l’accord de votre fils sur la partie qu’il détient déjà en nue-propriété. »

“Je ne veux pas perdre ma liberté”

J’ai toujours eu de bonnes relations avec mon fils, mais cette perspective me fait réfléchir.

Et si, dans quelques années, j’avais besoin de liquidités pour financer des travaux, ou m’adapter à un changement de vie ? Et si je voulais vendre ?

Virginie me rassure, tout en me mettant en garde :

« Votre autonomie, votre pouvoir d’achat… doivent rester des priorités. Ce n’est pas égoïste, c’est une forme de responsabilité. »

Et elle me rappelle un point important : comme mon fils est déjà nu-propriétaire d’une moitié du logement (celle reçue lors de la succession), certaines démarches nécessiteraient déjà son accord. Il vaut donc mieux avancer avec lucidité.

“J’ai le droit de prendre mon temps”

Avant de repartir, Maître Dujardin me propose de réunir quelques documents — titre de propriété, assurance-vie, livret de famille — pour préparer des simulations de donation. De quoi alimenter une discussion sereine avec mon fils.

Virginie me propose aussi un second rendez-vous :

« Nous pourrons faire le point et aborder les stratégies de transmission plus en détail. Ce sera une discussion précieuse. En attendant, reprenez contact avec votre notaire pour vérifier si votre mari avait pris des dispositions particulières. Cela nous aidera à faire les bons choix. »

Je suis rentrée chez moi avec le sentiment d’avoir posé les bases. Rien n’est décidé, mais j’y vois plus clair. Et je commence déjà à réfléchir à la manière d’en parler à mon fils.

Je vous raconterai ça au prochain épisode. 🙂


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📝 À savoir

  • L’abattement de 100 000 € s’applique par parent et par enfant, tous biens confondus, et se renouvelle tous les 15 ans. Si des donations ont déjà été faites, elles viennent en déduction.

  • La valeur fiscale de la nue-propriété et de l’usufruit suit un barème officiel (art. 669 CGI). À 72 ans, l’usufruit vaut 30 % et la nue-propriété 70 %. Cette clé est purement fiscale ; la valeur économique peut varier.

  • Une fois la nue-propriété donnée, la vente du logement nécessite l’accord du ou des nus-propriétaires. Ils peuvent aussi être mis à contribution pour certains gros travaux (art. 605-606 C. civ.).

  • L’avantage de la donation est que la valeur des droits transmis est figée au jour de la donation : les plus-values ultérieures échappent aux droits de succession. En contrepartie, l’opération est difficile à revenir en arrière.

  • Si Mathilde souhaitait, plus tard, recourir à une solution comme le Contrat Prosper, cela resterait possible sur la part qu’elle conserve en pleine propriété. En revanche, une donation portant sur la totalité de la nue-propriété bloquerait toute monétisation ultérieure. Le Contrat Prosper offre donc une souplesse : on peut transmettre une partie du bien pour optimiser la fiscalité, tout en gardant une fraction en pleine propriété afin de préserver son pouvoir d’achat ou financer sa retraite.

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